Après un passage sombre interminable, nous arrivâmes devant une sorte de sas, une galerie extérieure d’une vingtaine de mètres qui reliait deux bâtisses. Romane fit une courte pause. Le centre de chimio se trouve dans l’autre secteur. La passerelle couverte de plexiglas laissait entrer la lumière, j’avais pourtant l’impression de traverser le couloir de la mort. Mes jambes déjà fébriles tremblaient, mon cœur battait de plus en plus fort et mon estomac se paralysait. Nous croisâmes une première malade, le crâne nu, sans cil ni sourcil. Puis une seconde patiente, la perfusion à la main, qui respirait avec peine. Elle esquissa un sourire, Romane le lui rendit spontanément. N’osant lever la tête, je me mis à glousser un «bonjour» qui resta au fond de ma gorge. Au bout du couloir, deux rangées de quatre sièges inoccupés se tournaient le dos. Je me jetai sur la première chaise pour reprendre mes esprits pendant que mon amie s’annonçait à une secrétaire, Carole. «Bonjour, je vous sors les étiquettes», confirma la femme avec aménité. L’enthousiasme et la confiance de Romane me déconcertaient, elle semblait ne ressentir aucune peur, parlant comme à une vendeuse qui lui proposait de passer en cabine d’essayage. «Bon courage, madame.» Romane la salua et se tourna vers moi. «Tu viens? C’est un peu plus loin.» Elle se hâta dans le couloir d’en face. Comment allais-je faire pour me remettre debout? Comment trouver la force d’affronter cette souffrance? Je n’étais pas préparée à vivre cela, mes muscles se figèrent. J’étais tétanisée sur le siège, au bord du malaise. Romane fit demi-tour et se précipita vers moi, affolée.
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